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HUSTLE offre des services aux hommes qui s’auto-identifient comme étant impliqués dans l’industrie du sexe dans la région de Vancouver. Initialement hébergé par PEERS Vancouver, le programme a été repris par la Health Initiative for Men (HIM) en 2012.

Au moment des Jeux olympiques de Vancouver, en 2010, les travailleurs de rue de HUSTLE ont commencé à remarquer une forte baisse de leurs interactions dans les lieux fréquentés par des travailleurs du sexe. Après un certain temps, ils ont fini par repérer les disparus : le travail du sexe s’était déplacé en ligne. HUSTLE a alors compris qu’il devait ajouter un volet à son travail de proximité : Netreach était né.

Initialement inspiré des programmes de proximité en ligne du UK Network of Sex Work Projects, Netreach reçoit à présent des fonds pour fournir cinq heures de services directs de proximité en ligne, le samedi après-midi, et un soutien par courriel toute la semaine. Les services de proximité en direct sont fournis par le coordonnateur de la sensibilisation communautaire de la HIM et un bénévole qui se connectent chacun à environ huit sites de fréquentation et de rencontre pour partager de l’information et être accessibles aux hommes impliqués dans le commerce du sexe et aux jeunes ayant une expérience du commerce du sexe ou vulnérables à celui-ci.

Au fil des années, le projet Netreach a appris d’importantes leçons sur le soutien en ligne. En voici quelques-unes :

 

L’industrie du sexe en ligne évolue sans cesse et, par extension, le projet Netreach de HUSTLE se doit de garder le rythme. Au début du programme, les hommes annonçaient leurs services principalement sur Craig’s List. Le jugement de 2013 de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bedford a apporté d’importants changements à la loi, quant aux façons d’annoncer les services sexuels. Par conséquent, les circonstances du travail du sexe ont considérablement changé, au pays. Les hommes utilisent encore des applis et des sites de fréquentation et de rencontre pour promouvoir leurs services, mais ils ne peuvent pas le faire explicitement. Ils doivent utiliser un éventail de mots/phrases codes pour faire connaître leurs services; donc, pour les trouver, Netreach doit se tenir au courant du jargon.

Puisque de nouveaux sites et applis apparaissent et disparaissent continuellement, Netreach doit suivre l’évolution du sexe sur Internet. Il le fait en s’impliquant dans des communautés en ligne, en étudiant les tendances populaires dans les applis et les sites, en demandant à ses clients de le tenir au courant des développements et en explorant les principaux résultats de recherche de mots clés pertinents dans Google, à tout moment.

En plus d’être des cibles mouvantes, les applis et les sites ont tous leurs politiques et critères, à savoir qui peut joindre leurs utilisateurs et de quelle façon; et il faut respecter ces règles pour éviter d’être banni. Avant d’adopter une nouvelle appli ou un nouveau site, le coordonnateur de la sensibilisation examine les conditions de service et, si nécessaire, communique avec les administrateurs du site pour leur présenter les membres de l’équipe et expliquer leur intention. En général, 99 % de ces applis et sites sont accueillants à l’égard des organismes communautaires.

Prenons l’exemple de Squirt, un site de rencontre où Netreach mène des activités de proximité. Avant le jugement Bedford, le site permettait d’annoncer des services d’escorte, mais ce n’est plus le cas. HUSTLE a encore le droit de réaliser des activités de proximité sur le site, mais il ne peut plus mentionner spécifiquement que ses services s’adressent aux travailleurs du sexe. Il partage plutôt des bulletins de santé qui offrent des informations d’actualité sur la PPE, la PrEP, la récente éclosion de syphilis dans la communauté des HRSH et d’autres nouvelles d’intérêt. Les intervenants savent lire entre les lignes, et lorsqu’ils repèrent quelqu’un qui pourrait bénéficier de leur soutien, ils l’approchent de manière douce, en lui disant quelque chose comme « Si tu as besoin de fournitures de réduction des méfaits, n’hésite pas à communiquer avec nous ».

Squirt permet aux projets d’intervention comme Netreach d’envoyer autant de messages qu’ils le veulent, mais ce n’est pas le cas sur d’autres sites, où le nombre d’envois est limité. Sur certains sites comme VampireFreaks, Netreach peut communiquer directement avec les utilisateurs; sur d’autres sites, les intervenants partagent leurs bulletins et font connaître leur présence, mais ils doivent attendre que les gens établissent le contact. Sur certains sites, les utilisateurs sont géolocalisables, ce qui permet d’identifier ceux de Vancouver et des environs; d’autres sites n’offrent pas cette fonctionnalité. Netreach offre ses services à toute personne dans le besoin; on a récemment aidé un jeune homme à trouver du soutien à Phoenix, Arizona.

Netreach est un service important qui reflète la nature changeante du travail du sexe et des interactions sociales en général, mais ce n’est qu’un service parmi tant d’autres, chez HUSTLE. De fait, dans plusieurs cas, Netreach sert à arrimer des clients à des services en personne, que ce soit la fourniture de matériel pour des relations sexuelles plus sécuritaires ou pour la réduction des méfaits, ou des rendez-vous médicaux dans une des cliniques de la HIM. Si un client veut une rencontre en personne et vit dans la région de Vancouver, l’équipe de Netreach s’efforce de lui offrir un rendez-vous sur-le-champ, en l’invitant au bureau ou en allant le rencontrer dans son quartier. S’il est impossible de fournir un service requis, Netreach dirige le client vers d’autres services dans la région.

Lorsqu’une personne a une question générale sur la transmission du VIH ou la santé, la conversation ne sort pas nécessairement du monde virtuel. Mais quand les choses deviennent plus personnelles, Netreach tente de déplacer la conversation de l’appli ou du site vers une autre plateforme. Cela permet que les gens reçoivent le soutien (téléphonique ou en personne) dont ils ont besoin, mais c’est aussi une question de sécurité.

Depuis sa création, Netreach cherche constamment à protéger la confidentialité de ses clients, tout en protégeant les individus vulnérables à l’exploitation et aux prédateurs en ligne. Le programme est en train de réviser ses procédures concernant les médias sociaux et les services de proximité. Puisque le travail de Netreach concerne le travail du sexe, une activité criminalisée au Canada, il faut faire attention de ne pas mettre les clients dans une situation où leurs écrits pourraient être utilisés contre eux. Dans plusieurs cas, les applis et les sites que le projet utilise pour offrir ses services de proximité sont hébergés par des serveurs aux États-Unis, ce qui signifie qu’ils sont assujettis aux lois étatsuniennes, y compris la Travel Act.

Netreach prend très au sérieux le risque (quoique faible) de devoir comparaître pour dévoiler des informations susceptibles d’être utilisées contre un client. Dès leur premier contact avec un client, les employés lui expliquent sans tarder qu’il devrait faire attention à ce qu’il dit. Pour ce faire, on l’invite à communiquer par courriel ou à téléphoner au numéro sans frais. Netreach consigne chaque interaction, mais ces renseignements sont sauvegardés hors ligne à l’aide de surnoms et sans aucune information potentiellement identifiante. Les dossiers ne font référence à aucune situation en ligne et ne contiennent aucune image ou photo.

Netreach veille à protéger l’identité de ses clients, mais la loi canadienne l’oblige à déclarer toute situation où une personne mineure pourrait être en situation de risque de préjudice ou d’exploitation. Dans un tel cas, il fait un signalement à cyberaide.ca, un organisme gouvernemental doté des ressources et du savoir-faire nécessaires à trouver les vraies personnes derrière la présence virtuelle.

Pour développer ses politiques, Netreach met à profit sa relation étroite avec le Service de police de Vancouver. Les intervenants sont en contact étroit avec l’agent de liaison du travail du sexe, qui peut leur donner des conseils spécialisés en matière de cybersécurité. Par ailleurs, le guide de procédures de proximité en ligne du ministère du Développement social de la Colombie-Britannique a été très utile à Netreach pour affiner sa stratégie de sécurité.

Les deux approches ont beau être complémentaires, la proximité en ligne n’est pas la même chose que la proximité en personne. C’est davantage un processus et il faut parfois beaucoup plus de temps pour gagner la confiance des utilisateurs. Il a fallu que Netreach soit en ligne au moins un an avant qu’on commence à le prendre au sérieux. Le projet reçoit aujourd’hui des références d’anciens clients, ce qu’il considère comme un réel signe de succès.

La quantité et la nature des interactions en ligne sont une autre particularité. Parfois, seulement deux ou trois clients par semaine font appel aux intervenants, mais cela ne signifie pas que le besoin n’est pas urgent. Au contraire, l’équipe du projet Netreach de HUSTLE aimerait bien qu’un plus grand nombre d’organismes se partagent la charge de travail. Après tout, les conversations en ligne ont cours 24 heures par jour et l’Internet évolue sans cesse. À l’heure actuelle, Netreach ne peut être en ligne que pendant cinq heures les samedis; ses services sont précieux, mais il y a de la place pour plus d’activités et d’autres interventions.

FAITS INTÉRESSANTS :

  • Plusieurs organismes semblent craindre d’offrir des services en ligne ou d’utiliser les médias sociaux dans leurs activités, à cause de la nature changeante de l’Internet. Une page Facebook est utile, mais seulement si les gens vous connaissent. Pour les interventions en personne, vous devez être là où les gens sont, pour faire connaître votre organisme et ses services – le même principe s’applique à la proximité en ligne.
  • Netreach travaille auprès d’individus en situation économique précaire, qui peuvent vivre dans la rue ou être sans logement stable, mais plusieurs clients possèdent des technologies très avancées et modernes. Après tout, leur subsistance dépend à présent de cette technologie. Les gens trouvent le moyen d’accéder à Internet, que ce soit par leur téléphone, dans un cybercafé ou dans une bibliothèque.
  • Même s’il n’est pas garanti que ce qu’une personne dit en ligne est véridique, vous devez tout prendre au sérieux. Il est arrivé qu’un jeune homme décrive un scénario qui semblait sorti tout droit d’un film – mais on lui a quand même fourni du soutien et des références susceptibles de l’aider. Le simple fait qu’une personne établisse le contact indique qu’elle pourrait avoir besoin d’attention et de soutien, même si l’intervenant est sceptique à l’égard de ses propos.